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Cyriac GBOGOU : « Je n'ai pas le BAC. Je le dis pour faire comprendre aux jeunes que l'échec n'est pas une fatalité »

en Co-founder of Ovillage fr Co-fondateur d'OVillage
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Article officiel

Cyriac GBOGOU est l’un des acteurs clés de l’univers digital, entrepreneurial et culturel en Côte d’Ivoire et fait partie des 50 visages de la tech dans le pays. Par ailleurs co-fondateur de O’ Village qu’il décrit comme un espace de transformation sociale, Cyriac GBOGOU fait de son engagement à valoriser le patrimoine et les ressources de l’Afrique un sacerdoce. Inspire Afrika Magazine s’est entretenu avec celui qu’on surnomme le “chef du village”.

Inspire Afrika Magazine : Qui est Cyriac Gbogou ?
Cyriac GBOGOU : Cyriac Gbogou est un jeune citoyen africain vivant en Côte d’Ivoire co-fondateur d’un espace d’innovation, de co-working et de transformation sociale dénommé O’Village. Je suis également blogueur à mes heures perdues. Je suis ingénieur en sciences informatiques option télécommunication. Je n’ai pas le Bac. Je le dis pour faire comprendre aux jeunes que l’échec n’est pas une fatalité, pourvu qu’on comprenne pourquoi on a échoué et qu’on cherche à aller de l’avant.

I.A.M : Pourquoi vous ne vous prévalez pas d’une nationalité ?
C.G : Je suis africain parce que je me sens bien dans tous les pays africains. Je suis rentré en Côte d’Ivoire en 2001 après avoir passé toute mon enfance en dehors de la Côte d’Ivoire. C’est vrai, j’ai la nationalité ivoirienne mais dire que je suis seulement ivoirien c’est restrictif. Je me sens plutôt africain. Si un pays africain a besoin de moi, je réponds présent.

I.A.M : Comment est venu l’idée de créer O’Village ?
C.G : Il faut remonter à l’année 2011 où j’ai rencontré Florent Youzan, un aîné qui est également un grand militant de tout ce qui est logiciel libre. Avec lui, lors d’un voyage au Burkina Faso, on découvre plein de choses qu’on veut partager avec des jeunes ici en Côte d’Ivoire. De retour de ce voyage, nous organisons les premières matinées de co-working qui étaient des matinées de collaboration et d’innovation où chacun partageaient ses connaissances sur divers sujets. A l’issu de ces matinées qui étaient plutôt mobiles, nous nous sommes dit qu’il nous fallait un espace à nous, où on pourrait nous localiser. Nous en avons parlé à une structure qui nous a mis des locaux à disposition. Depuis 2014, O’Village a un siège situé en Zone 4 – dans la commune de Marcory.

I.A.M : C’est quoi la vocation de cet espace ?
C.G : C’est un espace de transformation sociale. Nous nous intéressons à tous types de profil. On ne fait pas de sélection parce qu’on ne sait pas d’où peut venir une innovation. Nous estimons que chacun a en lui la capacité d’apporter le changement. Nous acceptons tout le monde – enfants, jeunes ou adultes. Parmi les jeunes que nous recevons, il y a des étudiants en fin de cycle qui ne savent pas comment s’orienter. Nous les aidons par des formations qui ont pour objectif de les amener à entreprendre. Comme Florent aime à dire : « chaque problème d’un africain est une idée d’entreprise ». Pour dire qu’aujourd’hui, chacun est en mesure de résoudre le problème auquel il est confronté et c’est cela innover. Nous faisons des formations, du coaching, de l’accélération d’entreprises et de projets.

I.A.M : On pourrait croire que vous êtes plus axés sur le digital à O’Village ?
C.G : Nous ne sommes pas axés sur le digital. Comme je l’ai dit précédemment, nous nous intéressons à tous les secteurs. Nous partons de la littérature à l’agriculture en passant par l’éducation. Nous accordons une importance particulière à l’épanouissement des enfants, que nous souhaitons instruire à l’usage des TIC le plus tôt possible. O’Village est un espace qui est ouvert à tout le monde. C’est vrai que nous utilisons la technologie pour booster nos activités mais nous ne sommes pas seulement axés sur le digital.

I.A.M : Pourquoi le choix de cette dénomination : O’Village ?
C.G : On voulait quelque chose d’atypique qui nous parle, et à l’époque tous les espaces similaires avaient la terminaison « lab ». Nous nous sommes dit que notre force se trouvait dans notre source. Pour nous, cette source c’est le village, la communauté qu’on a voulu mettre en avant. L’Afrique est riche de sa culture et de son histoire mais malheureusement on ne met pas assez cet aspect en avant.

I.A.M : Vous êtes très engagé pour la jeunesse africaine. Pourquoi vous donner autant de mal ?
C.G : Je me donne du mal pour la jeunesse pour la simple raison que j’ai été jeune. Lorsque je faisais une crise d’adolescence je n’ai pas eu de mentor pour me guider ou me montrer la bonne voie. Et quand je vois ce que vivent nos jeunes frères aujourd’hui, je me dis que si on ne les guide pas, si on ne leur donne pas des conseils, si on ne les met pas sur la voie, ils iront à la dérive. On dit qu’ils sont l’avenir de nos pays et pour O’Village c’est comme un sacerdoce d’aller vers ces jeunes et leur partager notre expérience de vie, nos actions, nos réalisations pour qu’ils puissent puiser à notre source. Nos aînés ont tracé des sillons dans lesquels nous marchons, il va de soi qu’à notre tour nous montrons la voie aux plus jeunes.

I.A.M : Pensez-vous que votre message est entendu, que ces jeunes suivent la voie que vous leur montrez ?

C.G : Si une ou deux personnes comprennent et suivent la voie que nous montrons, nous estimons que le message est passé. Parce qu’une seule personne peut à son tour toucher plusieurs autres, les transformer en porteurs de solutions et acteurs de changement. Nous mettons un accent sur le suivi de nos actions dans le but de nous assurer qu’elles ont un impact positif au sein de la communauté. C’est le cas depuis la création de O’Village, et c’est notre petite fierté.

I.A.M : Qu’est ce qui vous a le plus marqué dans cette aventure ?
C.G : Voir tous ces jeunes quelles que soit leurs ethnies ou leurs classes sociales, venir à O’Village ne sachant pas ce que c’est, et au bout de quelques années ou quelques mois pour certains, devenir des acteurs de changement. Voir des personnes qui ne travaillaient pas hier et qui aujourd’hui ont un emploi ; ou encore des personnes qui ne savaient pas quoi faire de leur vie et qui aujourd’hui, montrent la voie aux autres. Ce sont ces exemples de vie inspirants, qu’on aimerait continuer à montrer.

I.A.M : Vous êtes également très porté sur la valorisation du patrimoine culturel et touristique africain. Y a-t-il une motivation particulière à cela ?
C.G : Oui l’Afrique est riche, je ne cesserai jamais de le dire. Malheureusement nous négligeons cette richesse et ce sont d’autres personnes qui viennent nous la montrer. Pour moi il faut que ça cesse. En tant qu’africain, c’est à nous de montrer notre patrimoine culturel au monde. Si on ne le fait pas, ceux qui viendront le faire le feront mal. Je vois dans certains médias étrangers que Yamoussoukro est au nord de la Côte d’Ivoire alors que cette ville est au Centre du pays. Il nous revient de valoriser notre continent sinon personne ne le fera à notre place.

I.A.M : Cyriac Gbogou et la lecture, c’est quoi l’histoire ?
C.G : Je pense que j’ai toujours vécu avec la littérature. Parce que quand j’étais plus jeune à Noël je demandais des bandes-dessinées à mon père ; Tintin, Picsou ou le journal de Mickey auquel j’étais abonné. Cette lecture m’a plus ou moins suivi jusqu’à aujourd’hui. J’appartiens à un collectif de férus de la lecture dénommé « Abidjan lit » dont je suis le seul homme parmi trois dames. L’idée est de faire la promotion de la littérature africaine qui est très riche. Quand on entend dire « si tu veux cacher quelque chose à un noir, mets le dans un livre » ; ça fait mal. Mais c’est une certaine réalité. Je pense qu’il faut ramener la lecture au centre de notre éducation. Dans nos maisons c’est la vaisselle qu’on trouve dans les bibliothèques en lieu et place de livres ou d’encyclopédies. Est-ce à dire que nous avons plus faim qu’envie d’apprendre ?  Le débat reste ouvert.

I.A.M : Que pensez-vous de l’univers digital en Côte d’Ivoire ?
C.G : Je pense que l’univers digital en Côte d’Ivoire a beaucoup évolué. Aujourd’hui tout le monde sait ce que c’est qu’être un blogueur, alors qu’avant on confondait blogueur et cybercriminel. Mais cette perception a évolué, les acteurs du digital ont cette chance aujourd’hui. Qu’ils en profitent, qu’ils se forment d’avantage et se lancent parce qu’il y’a de la place pour tout le monde. Il n’y a pas de concurrence, c’est la formation qui fait la différence. On a la chance avec internet d’avoir le monde à notre portée. Il existe des cours massifs en ligne appelés MOOC qui donnent la possibilité à un ivoirien à Abidjan grâce à sa connexion internet, d’avoir les mêmes certifications qu’un étudiant d’Harvard. En restant ici, on fait l’économie des frais additionnels de la formation. Il suffit juste d’être assidu et avoir des compétences qui nous seront utiles dans notre vie professionnelle.

I.A.M : Quel est votre message pour cette jeunesse africaine ?
C.G : Quelles que soient les circonstances ou les difficultés, ne baissez jamais les bras. Vous ne savez pas qui compte sur vous. Vous êtes une solution à un problème familial, à un problème communautaire, à un problème dans votre pays, voire sur votre continent ou dans le monde. Vous n’en avez peut-être pas conscience. Il y’a un passage de la bible que j’aime particulièrement, Romain 8 verset 19 : “La création attend avec un désir ardent la manifestation des fils de Dieu”. Il est temps que nous nous manifestions parce que quelque part des gens ont besoin d’une solution et cette solution ne viendra pas de quelqu’un d’autre, cette solution viendra de moi, de toi, de nous. Tous ensemble nous pouvons résoudre des problèmes. Notre environnement peut nous pousser au découragement, mais ressaisissons-nous et allons de l’avant.

Ecrit par Emily TAPE

Source : https://inspireafrika.com/cyriac-gbogou-je-nai-pas-le-bac-je-le-dis-pour-faire-comprendre-aux-jeunes-que-lechec-nest-pas-une-fatalite/

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