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Cyriac GOGBOU, Le chef du village

en  fr Cyriac GOGBOU, Le chef du village
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Imaginez un instant le rêve suivant. Tous les États Africains sont véritablement unis et parle d’une seule voix, avec des chefs d’État soucieux du devenir de leur population. Imaginez un Africain qui n’hésite pas accueillir un autre Africain comme son frère et qui se bat pour l’intérêt de celui-ci comme s’il s’agissait du sien. Un peu comme le font les Juifs. Utopie ? Pas du tout. Cela est bien dans l’ordre du possible. Il nous faut seulement devenir des Africains nouveaux. C’est exactement ce que prône Cyriac GBOGOU, Jeune informaticien Ivoirien, passionné de l’Afrique et du partage. Cyriac a découvert que le continent noir a toutes les chances et les possibilités de rendre sa population heureuse. Tomorrow Magazine l’a rencontré.

Nous rencontrons Cyriac GBOGOU dans son ‘’empire’’, dans son ‘’village’’. O’village, l’espace de partage d’expérience qu’il a cofondé, est logé dans un immeuble du quartier de zone 4, à Abidjan Marcory. Lorsque nous y pénétrons Francheski DAGO et moi, c’est un Cyriac GBOGOU taquin et accueillant que nous découvrons. Assis à la même table que lui, des Jeunes sont devant leurs ordinateurs, s’affairent à gérer leur start-up et à échanger entre eux pour trouver des solutions les uns pour les autres. Le partage, c’est cela l’esprit de O’Village.

Le temps d’échanger quelques civilités, Francheski DAGO, photographe de Tomorrow Magazine, déclenche les flashs de son appareil photo sur notre Jeune Leader de ce mois de février 2018. L’histoire, la vision, le parcours de Cyriac nous ont été racontés par ‘’le chef du village’’ lui-même.

Malgré tout, je savais où je voulais aller

Enfant, Cyriac GBOGOU, était ce qu’on peut convenir d’appeler élève résident. Son père était mécanicien d’avion à la défunte Air Afrique. Cette profession ne lui permettait pas de rester dans un pays plus de trois ans. Lorsqu’il se déplaçait, c’est avec la petite famille qu’il partait. Quatre pays vont donc accueillir la famille GBOGOU : Le Sénégal, le Togo, le Mali et le Congo.

Au Mali, Cyriac passe le baccalauréat une première fois durant l’année scolaire 97-98. Mais il échoue. La raison est à trouver dans la turbulence et l’indiscipline de l’adolescent qui commence à croire, comme la plupart de ses amis, qu’il est seul contre le monde. L’année qui suit, il échoue encore une fois. Au cours de cette seconde année d’insuccès, son père est affecté au pays de Denis Sassou NGUESSO, le Congo Brazzaville. Les conseils de ses parents trouvent écho favorable chez lui. L’adolescent Cyriac prend plus au sérieux ses études et s’entoure d’amis qui peuvent l’aider. Mais malgré tous ses efforts scolaires, il échoue une troisième fois.

Des informations parviennent à la famille GBOGOU. Pour cette année, le gouvernement aurait décidé de respecter un quota précis d’admis dans tout le pays. Tant pis pour ceux dont les noms ne figurent pas sur la liste. Cet échec est amer, mais ne fait pas pleurer Cyriac. Ce sont étrangement ses amis qui se pleurent pour lui. Il nous raconte, «Des amis avec lesquels j’avais fait la terminale, pleuraient à l’annonce de mon échec, parce qu’ils pensaient que c’était injuste que j’échoue de cette manière. Ils voulaient même porter plainte et faire des réclamations, mais j’ai refusé.» Le candidat malheureux est zen.

L’obtention du baccalauréat n’est pas déterminante dans la réalisation de son objectif : devenir informaticien. Ça, il y croit fermement. «Je savais ce que je voulais faire et j’ai décidé de me lancer dans l’informatique. On m’a dit que c’était possible que j’avance sans le BAC, mais qu’il fallait que je fasse une année préparatoire BTS.» Nous racontet-t-il. Cyriac rentre à Abidjan en 2001. Il s’inscrit en année préparatoire du BTS informatique. Après l’année préparatoire, il fait les deux années de BTS et obtient le diplôme. Il est fier et heureux. Le nouveau technicien supérieur décide de continuer les études. Quelques années après, il décroche un diplôme d’ingénierie en science informatique option télécom.

Pour la patrie !

Le Jeune Cyriac GBOGOU est prêt à faire son entrée dans la vie professionnelle. Il a de l’ambition, il rêve grand. À la hauteur de ses ambitions, il décroche un emploi chez le géant Américain de l’informatique IBM. Tout se passe pour le mieux et Cyriac est garanti à un avenir radieux. Mais la crise et la tension militaro-politique de la Côte d’Ivoire s’exacerbent. IBM, comme de nombreuses autres entreprises étrangères décident de délocaliser. Cyriac est convoqué par son employeur qui lui fait la proposition de le suivre au Maroc, pour continuer le boulot. Mais ce dernier refuse. Il nous raconte la raison, «J’ai démissionné d’IBM parce qu’il me fallait faire un choix entre mon pays et ma vie professionnelle.» Faire un choix entre son pays et sa vie professionnelle. Cyriac a choisi la raison du cœur. «J’ai compris, c’est normal. Une entreprise, c’est la recherche du profit et en temps de crise, c’est difficile de faire du business. Mais ma fibre patriotique ne pouvait me permettre d’abandonner de la sorte mon pays en pleine tourmente. Je voyais cela comme une trahison et je ne voulais, pour rien au monde, en être l’auteur.» Ajoute-t-il tout confiant. Le regrette-t-il aujourd’hui ? Non, le moins du monde. Au contraire, il se dit fier de l’avoir fait, «Aujourd’hui, grâce à ce choix, je me suis engagé profondément pour la cause de mon continent, j’ai appris à l’aimer et à le connaître. Je peux aujourd’hui représenter et parler de mon pays, mon continent à des rencontres à l’international.»

À la fin des années 2 000, internet connaît un grand boom dans les pays d’Afrique subsaharienne. L’outil technologique commence de plus en plus à être connu des Ivoiriens. Le réseau social Facebook voit le nombre de ses adhérents se multiplier. C’est aussi la période de la démocratisation des Smartphones. C’est pendant cette période que notre jeune ingénieur informatique rencontre véritablement internet. Il s’y intéresse et découvre qu’à travers la toile, il peut mettre en exergue ce qu’il considère comme la condition sine qua non du développement de l’Afrique, notamment le partage.

En 2010, Cyriac GBOGOU s’engage dans l’ONG Akendewa en qualité de bénévole. Il y rencontre des Jeunes férues d’internet, d’informatique et de digital. C’est avec beaucoup de reconnaissance qu’il nous parle de ces derniers, «Si je suis ce que je suis aujourd’hui, c’est parce que quelqu’un a cru en moi. Il s’agit de Jean-Patrick EHOUMAN, le fondateur de cette ONG. Il m’a pris la main et m’a mis au-devant de cette organisation. Il y a aussi cette personne très discrète, dont on ne parle presque jamais, mais qui était si incontournable à Akendewa, Éric AGNISSAN, qui était le vice-président d’Akendewa. Il m’a appris beaucoup de choses. J’ai été secrétaire général de cette ONG et elle m’a formé.»

Avec eux et bien d’autres, il travaille à assister les Ivoiriens, frappés par la crise militaro-politique, à travers des services sociaux. «Nous étions en pleine crise Ivoirienne et nos actions ont permis à de nombreuses personnes d’avoir la vie sauve.» Nous raconte-t-il. #Civsocial, #Wonzomai sont des projets qui ont permis à de nombreux Ivoiriens de retrouver leurs parents en détresse, d’orienter géographiquement des familles entières en fuite, de confirmer ou d’infirmer les rumeurs relatives à la guerre civile. Depuis, Cyriac n’a cessé de participer à des projets de ce genre.

Être Ubuntu

Ubuntu est un mot Sossa (langue d’Afrique australe). Il veut dire ‘’Je suis ce que je suis grâce à ce que nous sommes’’. Pour Cyriac, ce mot représente tout. «Ce mot a caractérisé la vie de Nelson Mandela. C’est de l’humanisme. Aujourd’hui, pour moi, l’humain est au cœur de tout ce que je fais. Voir les autres réussir, c’est aussi notre réussite. Se battre pour les autres, c’est se battre pour soi-même.» Nous déclare-t-il. Tout ce qu’il apprend, ce n’est pas fait uniquement que pour lui-même, mais aussi et surtout pour le partager aux autres. Cet altruisme semble lui revenir sans cesse en bénéfice.

Notre Leader est aujourd’hui consultant indépendant, Cyriac donne de nombreuses conférences et de formations tant au niveau national qu’international. En 2013, l’Association des Blogueurs de Côte d’Ivoire (ABCI) naît et il en devient le premier président. L’année suivante, il devient Wikipedien en Communauté sur le projet « Kumusha Takes Wiki » qui voudrait que l’Afrique puisse se réapproprier les projets Wikimedia. Il a été fait ambassadeur de la Solidarité par madame Anné-Désirée OULOTO, ministre Ivoirienne de la Solidarité. Cyriac a été également fait ambassadeur des Éditions Nouveaux Horizons, par l’ambassade des États-Unis en Côte d’Ivoire. Depuis août 2017, il est membre du réseau des visiteurs internationaux, un programme que le Département d’État Américain lance chaque année et qui réunit plus de 500 chefs d’États et de gouvernements. Prix d’Excellence pour la meilleure initiative vulgarisation des TIC en Côte d’Ivoire, il a été primé par la présidence de la République de Côte d’Ivoire.

Aujourd’hui, il gère au quotidien O’Village, un espace d`intelligence collective et d`innovation sociale qu’il a cofondé avec Florent YOUZAN, un ami de longue date. Aujourd’hui, ils sont rejoints par Sarah CLAVEL, une troisième associée, qui apporte une touche féminine au projet.

Le siège actuel de O’Village leur a été donné gratuitement par une entreprise aéronautique qui, à l’origine, devait demeurer là, mais en voyant l’intérêt du projet, le propriétaire de cette entreprise décide de leur donner le salon pour leurs activités et d’occuper la chambre pour les siennes. Comme quoi, lorsque nous avons l’habitude de donner, on finit toujours par recevoir. Cyriac et ses deux associés s’apprêtent à déménager vers un autre endroit plus spacieux, où il sera possible d’accueillir plus de personnes et faire de plus grandes choses. Pour lui, O’Village n’était qu’en phase d’apprentissage, de démarrage. O’Village, c’est plus encore, «Ce qu’on veut faire du ‘’village’’, ce n’est pas ce qu’on voit actuellement. Nous recueillerons des personnes désespérées de la vie et en ferons des champions, parce qu’elles auront juste échangé avec les autres.» Déjà, O’Village a permis à de nombreux Jeunes de trouver leur voie. C’est quelque d’immense que de s’en apercevoir, «Je suis dans une joie indescriptible lorsqu’un parent m’appelle pour me dire merci parce que son enfant a désormais un objectif, a pu créer une entreprise, etc. Pour nous, c’est cela la vraie richesse. Alors, le concept d’Ovillage c’est de transformer les personnes en acteur social.»

L’origine du titre de ‘’chef du village’’ que lui a donné la communauté web de Côte d’Ivoire reste flou à ses propres yeux. «Je ne sais même plus qui m’a donné ce titre, mais je me souviens que c’était lors d’un BarCamp qu’on a eu à organiser avec Akendewa en 2001.» Mais Cyriac garde la tête sur les épaules, «Mais à la réalité, cela ne veut pas dire que je suis le meilleur.», tient-il à préciser.

Cyriac a participé à des campagnes de salubrité dans sa commune natale, Koumassi. Depuis quelques années, il met un point d’honneur à inciter la population Ivoirienne, les Jeunes surtout à participer aux séances de don de sang. En 2012, lors d’une opération de don de sang qu’il organise, il découvre un fait, «J’ai découvert une information incroyable. Savez-vous que quel que soit le nombre de litres de sang que l’on recueille, il ne sera plus utilisable 90 jours après ? Le sang après ce nombre de jours ne peut se conserver et sera détruit. Le responsable du C.N.T.S. (Centre National de Transfusion Sanguine) de l’époque me disait que des vies seraient sauvées si seulement 2% de la population Ivoirienne donnait régulièrement son sang. Cela nous permettrait également d’être autosuffisants en sang.»

Jeunesse Africaine, unité !

Lors de ses prises de parole en public comme en privé et partout en Afrique, Cyriac travaille à faire en sorte que chaque Jeune présent soit l’acteur du changement dans son quartier, sa mosquée, son église, son école, son entreprise, etc. Le déclic ou le changement, peut venir de tout le monde.

Lorsqu’on lui demande pourquoi tout cet engagement, il répond ceci, «Je suis convaincu que l’État ne peut tout faire à lui seul. À son humble niveau, chacun peut faire avancer les choses dans nos pays, nos villes et les rendre meilleurs. Il y a un passage biblique que j’aime bien qui dit ‘’Il y a plus de Bonheur à donner qu’à recevoir.’’ Le civisme et la citoyenneté, ce n’est pas du ‘’moi’’, mais du ‘’nous’’. Qu’est-ce qu’on peut faire ensemble, qu’est-ce que nous pouvons accomplir ensemble. Voici des choses qui me parlent et déterminent ou pas mon engagement dans une cause.»

Pendant l’interview, Cyriac prend un air plus sérieux et nous fixe droit dans les yeux (l’une des rares fois durant l’entretien), pour nous expliquer un fait que lui a raconté l’un de ses mentors spirituels. «Le cimetière est rempli de personnes qui avaient de belles idées. Elles n’ont jamais osé démarrer et aujourd’hui, elles ont disparu avec leurs idées. Elles se disaient, je n’ai pas d’argent, je n’ai pas de relation, je n’ai pas ceci ou cela, et aujourd’hui c’est fini.» Il insiste plusieurs fois sur le fait que les Jeunes Africains doivent se lever et réaliser leur rêve. Mais ne pas le faire isolement. Il faut s’associer, s’unir. «Mon message à l’endroit de mes amis Jeunes d’Afrique, c’est d’être unis. C’est ensemble que nous sommes plus forts. Un célèbre adage déclare que seul, on va plus vite, mais ensemble on va plus loin. Je crois qu’il nous est avantageux de relever tous les défis ensemble, sans se précipiter sur les écueils. Pour moi le véritable défi de l’Afrique, c’est l’union. Si nous sommes unis, si nous comprenons la valeur réelle de nos cultures et traditions, je vous assure qu’on deviendra plus qu’incontournable.»

Demain Sera Meilleur…

Source : https://tomorrowmag.net/cyriac-gogbou-le-chef-du-village/

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